Une pétition européenne demande un vaccin gratuit contre le coronavirus
Alors que les États et la Commission européenne financent l’industrie pharmaceutique à coup de milliards d’euros, rien ne garantit que chaque citoyen aura accès au vaccin contre le coronavirus. Pour le rendre accessible à tous, la Gauche unitaire européenne et 10 partis de gauche lancent une campagne « Right2Cure » (« droit à la santé »).
Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots pourquoi la Gauche unitaire européenne lance cette campagne ?
Kateřina Konečná. Rien n'a plus de valeur que la vie humaine. J'ai longtemps été la responsable du Parlement européen pour le Centre européen de contrôle et de prévention des maladies, notamment lors des épidémies d’Ebola ou de Zika. Je connais donc l'importance d'une réaction rapide aux nouvelles maladies. Et je crains que lorsque le remède sera découvert, ceux qui n'ont pas les moyens de se le procurer n’y auront pas accès.
Pourtant, on voit la Commission européenne verser des milliards d'euros aux multinationales pharmaceutiques pour être les premiers à développer le vaccin...
Kateřina Konečná. La recherche est souvent financée par des fonds publics, et le paradoxe est que cela ne signifie pas que les médicaments seront ensuite disponibles gratuitement et en quantité suffisante.
Marc Botenga. C'est dingue quand on y pense. L'industrie pharmaceutique engrange plein de profits, mais lors d'une pandémie aussi grave, il faut que les États payent la recherche, le développement et les investissements pour un vaccin. Malgré ces milliards d'euros publics, il y a un risque que le vaccin devienne la propriété privée d'une multinationale pharmaceutique par le biais de brevets. Si la Commission européenne finance Big Pharma, c’est surtout pour soutenir les multinationales européennes face aux multinationales américaines dans la course à un vaccin. Dans leur logique, le premier qui dispose d’un vaccin aura le jackpot car il va rapporter énormément.
Les grandes entreprises pharmaceutiques voudraient faire des bénéfices en vendant ce vaccin ?
Marc Botenga. L'industrie pharmaceutique base ses prix sur ce que le patient ou un pays veut bien payer. De cette façon, elle maximise les bénéfices pour les actionnaires. En conséquence, certains vaccins coûtent beaucoup d'argent. Et cela coûte des vies. Tous les jours. Nous ne pouvons pas permettre que Big Pharma s’approprie le vaccin contre le coronavirus et décide du prix et de l'offre.
Kateřina Konečná. Nous savons tous comment fonctionne leur « socialisme pour les riches ». D'abord, elles évitent de payer des impôts, engagent des lobbyistes pour bloquer des lois indésirables, et ensuite, en période de crise, elles demandent aux gouvernements des subventions payées par l'argent des contribuables. C’en est assez ! La vie des gens est en jeu ici. Envisager qu'elles puissent réaliser du profit avec ce vaccin est moralement infondé.
Est-ce réaliste de demander un vaccin et un traitement gratuits, sans brevets?
Marc Botenga. C'est surtout nécessaire. Il y a un siècle, l'inventeur américain Jonas Salk a découvert le vaccin contre la polio. Lorsqu'on lui a demandé qui avait obtenu le brevet pour son invention, Salk a répondu: « Le peuple. Il n'y a pas de brevet. Pourriez-vous breveter le soleil? » Le vaccin contre la polio est ainsi entré sur le marché international libre de brevet et la maladie a maintenant été éradiquée dans de nombreuses régions du monde.
Kateřina Konečná. Le vaccin contre le coronavirus doit être considéré comme un bien public et donc être disponible gratuitement et en quantité suffisante. La recherche a été payée directement par les citoyens européens ou leurs États. Ils ne devraient pas devoir payer à nouveau après. Les façons d’y arriver peuvent différer pays par pays.
Pensez-vous pouvoir remporter cette bataille ?
Kateřina Konečná. Depuis des années, je me bats contre les règles européennes qui considèrent les médicaments comme un bien ordinaire. Beaucoup de gens ont compris pendant cette crise que les médicaments, vaccins ou appareils médicaux ne sont pas des biens comme les autres. C'est le moment de changer la façon de penser la médecine.
Marc Botenga. Nos revendications sont tout à fait réalistes. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a mis en place un ‘pool’, une communauté de brevets, pour rassembler et partager des informations sur ce virus au niveau mondial. L'Union européenne peut exiger que les médicaments développés avec des fonds publics finissent dans ce pool. Il suffirait de lier cette obligation comme condition aux subventions à l'industrie pharmaceutique. Cela permettrait de les rendre accessibles à tous.
Et si le vaccin est d’abord développé par une multinationale américaine ?
Marc Botenga. Les États européens pourraient casser ce brevet par des licences contraignantes (un mécanisme qui autorise des fabricants de médicaments génériques à produire et vendre un médicament encore sous brevet en échange d’une compensation à la firme qui détient le brevet, NldR). Cela demande du courage politique, mais c’est possible. Nelson Mandela l'a fait avant nous. Dans les années 1990, l'épidémie du SIDA a fait d'innombrables victimes en Afrique du Sud. Le prix des traitements était exorbitant. Il y a eu une énorme mobilisation des gens qui a forcé l'industrie pharmaceutique à rendre ces médicaments accessibles.
Concrètement, comment allez-vous procéder ?
Kateřina Konečná. La campagne est lancée par des partis politiques, mais elle fonctionnera comme tout autre mouvement social - d'en bas, et basée sur la dévotion et l'amour. Les campagnes sont basées sur le travail acharné de centaines et de milliers de personnes, dont les noms ne seront peut-être pas publiés dans les journaux, mais qui sont le véritable moteur d'une campagne réussie et influente. Nous devrons tenir compte des différences nationales. C'est pourquoi il ne s'agira pas d'une campagne menée depuis Bruxelles, Berlin, Madrid ou autre, mais d'un effort collectif européen, d'égal à égal, ensemble.
Marc Botenga. Nous voulons mettre la pression sur la Commission européenne à partir de différents pays. Avec la Gauche unitaire européenne et plus de dix partis, nous avons lancé la campagne tous ensemble, le même jour, avec le même site, les mêmes revendications. Ensuite, chaque parti et mouvement porte la campagne dans son pays (voir cadre).
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Kateřina Konečná est députée européenne du Parti communiste de Bohême et Moravie (République tchèque) et siège au sein du groupe de la Gauche unitaire européenne (GUE/NGL). Au Parlement européen, elle suit notamment les questions de santé. Elle est une des 13 personnalités politiques européennes à l'initiative de cette pétition.
Marc Botenga est député européen pour le PTB, aussi au sein de la GUE/NGL. Au sein de la Commission Industrie et Recherche, Marc Botenga suit de près l'industrie pharmaceutique.
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Signez la pétition européenne pour rendre le vaccin accessible à tous !
La campagne dispose d’un site internet multilingue, où chaque citoyen européen peut signer dans sa langue. Rendez-vous sur https://www.right2cure.eu/fr
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