Discours de Peter Mertens à La Haye et à Bruxelles
À la veille du sommet de l'OTAN à La Haye, Peter Mertens a présenté huit thèses pour expliquer l'essence et les défis à relever, lors d'événements pour la paix à La Haye et Bruxelles.
Je remercie les organisateurs pour cette invitation.
J'ai ici huit thèses à vous présenter.
1. Ceux qui refusent de condamner les États-Unis et Israël ont perdu toute crédibilité
En mars 2003, la « coalition des volontaires » (Coalition of the willing), dirigée par les États-Unis, a mené une guerre illégale contre l'Irak. Il n'y a pas eu d'approbation du Conseil de sécurité des Nations unies, et la guerre a été menée sur la base de trois arguments : L'Irak disposait d’armes de destruction massive, constituait une menace pour la sécurité du monde entier, et un changement de régime était préférable pour tout le monde.
Aucun de ces trois arguments ne s'est avéré être correct. Il n'y avait pas d'armes de destruction massive ; il n'y avait pas de menace réelle ; et après l'invasion, l'Irak a été réduit à un terrain propice à la violence la plus sectaire. Le monde n'est pas devenu plus sûr, bien au contraire.
Ce qui se passe aujourd'hui avec l'Iran ressemble à une copie de cette approche. Les trois mêmes arguments sont utilisés : L'Iran serait sur la voie de l'armement nucléaire, constituerait une menace pour la sécurité du monde entier, et un nouveau régime fantoche de Washington serait préférable pour tout le monde.
Il s'agit d'une tactique classique du Pentagone. Là encore, il n'y a pas d'approbation du Conseil de sécurité des Nations unies. Cela signifie que les actions des États-Unis et d'Israël sont contraires au droit international, et constituent une guerre d'agression illégale au regard du droit international.
Les installations nucléaires iraniennes sont légales, et toujours sous le contrôle de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). L'Iran a adhéré à l'AIEA en 1958, peu après la création de l'agence, et s'est toujours conformé à ses directives sur l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. Malgré les fortes pressions exercées par Washington pour imposer des sanctions, l'AIEA n'a jamais constaté que l'Iran avait violé les règles ou possédait des armes nucléaires.
Samedi soir, Donald Trump a fait savoir au monde entier que lancer une guerre d'agression illégale et bombarder des centrales nucléaires était tout à fait acceptable. Tout membre des Nations Unies qui ne condamne pas sévèrement ces actes insensés et illégaux donne carte blanche à Trump pour continuer.
Par ailleurs, le niveau d'hypocrisie atteint des sommets, car la seule puissance dotée d'armes nucléaires dans la région, c’est Israël, qui n'a pas signé le traité de non-prolifération et n'accepte aucune inspection des organismes internationaux.
Entre-temps, c'est Israël qui mène un génocide contre les habitants de Gaza, bombarde le Liban et le Yémen et occupe une partie de la Syrie. Et contre Israël, il n'y a toujours aucune sanction.
À la veille du sommet de l'OTAN, c’est clair : les États-Unis et Israël ne font qu’apporter plus de guerre et d’instabilité. Ceux qui refusent de condamner les États-Unis et Israël ont perdu toute crédibilité. Il est temps que l'Europe dise non à cette folie, au lieu de manger dans la main de Trump.
2. La norme de 5 % est une norme de Trump
Depuis cette année, tout le monde se met soudain à parler de 5 %. 5 % de dépenses pour l'OTAN. C'est une vache sacrée aujourd'hui, mais d'où vient-elle ? De Washington. C'est Trump lui-même qui a annoncé ce chiffre et qui veut l'imposer à tous les États membres de l'OTAN. Et soudain, le monde entier répète à tue-tête : ça doit être et ce sera 5 %.
La question est de savoir pourquoi Trump veut-il cela ? Premièrement, parce que tout cet argent sert principalement à acheter des armes étasuniennes.Deuxièmement, et plus fondamentalement : Trump veut que l'Europe paie, pour que les États-Unis puissent se concentrer sur la Chine. Le meilleur perroquet de Trump, c’est Mark Rutte, le chef de l'OTAN : « Nous dépenserons davantage pour que les États-Unis puissent, par exemple, se tourner vers la région indo-pacifique. « Par exemple », qu’il dit.
Non, ce n'est pas « par exemple », M. Rutte. C'est précisément de cela qu'il s'agit. Les Européens devraient dépenser des milliards supplémentaires afin que les États-Unis puissent se concentrer sur leur propre programme géopolitique contre la Chine dans la région indo-pacifique. Il s'agit en somme de l'encerclement militaire de la Chine.
L'OTAN est un instrument au service de la politique de force des États-Unis, et c'est nous qui en payons la facture.
3. Trump monte l'Europe et l'Asie l'une contre l'autre
Et cela va encore plus loin. Tout d'abord, Trump convainc l'Europe de dépenser 5 % de son PIB en armements. Ensuite, il dit aux pays d'Asie : Regardez, l'Europe le fait, maintenant vous aussi ! L'ancien secrétaire adjoint à la défense des États-Unis, Elbridge Colby, a écrit sur X : « Les alliés asiatiques doivent prendre exemple sur l'Europe. Même l'Allemagne consacre aujourd'hui 5 % de son budget à la Défense. »
Chers Australiens, Néo-Zélandais, Japonais et Philippins : faites comme l'Europe et adoptez aussi les 5 %. Et où tout le monde va-t-il acheter ces armes ? Aux États-Unis et à son industrie de l'armement, principalement. Nous nous faisons rouler dans la farine en restant les bras croisés. L'Europe est opposée à l'Asie. Et vice versa. Pendant ce temps, l'industrie de l'armement étasunienne gagne sur tous les tableaux.
4. La norme de l'OTAN n'est pas une obligation
La norme de 2 % ou 5 % n'est absolument pas contraignante. La soi-disant norme de l’OTAN n’a aucun statut légal ni fondement dans un traité. Elle n'est pas contraignante. On ne peut pas l’imposer juridiquement.
Cette norme est un accord politique, pas une obligation juridique. Les États membres de l’OTAN restent souverains sur leur politique de défense.
Exemples :
*Le Danemark, la Norvège et l’Espagne ont rejeté l’installation d’armes nucléaires sur leur territoire.
* La France, l’Allemagne et la Belgique se sont opposés à l’implication de l’OTAN dans la deuxième guerre du Golfe contre l’Irak.
* La Turquie a refusé l’entrée de troupes terrestres étasuniennes sur son territoire.
En bref : même au sein de l'OTAN, les pays peuvent suivre leur propre voie, s'ils le souhaitent.L'Espagne a déjà déclaré qu'elle n'accepterait pas la norme de 5 %. Pourquoi la Belgique devrait-elle accepter cette norme ?Pourquoi un gouvernement démissionnaire aux Pays-Bas devrait-il accepter cette norme ?
5. La norme de Trump menace notre système de sécurité sociale
« Il n'y a pas d'argent. » On a tous entendu cela pendant des décennies.Il n'y a pas d'argent pour investir dans de bons transports publics ;il n'y a pas d'argent pour investir dans les services de garde d'enfants ou dans des logements abordables ;il n'y a pas d'argent pour financer une pension décente aux gens,il n'y a jamais d'argent...
Et que voit-on aujourd’hui ? On trouve soudain des milliards d'euros pour l'armement et la guerre. Quel mensonge.
Pour passer à 3,5 %, la Belgique devrait débourser 10 milliards d'euros supplémentaires par an. C'est invraisemblable.
La norme de Trump est une attaque contre notre sécurité sociale et nos acquis sociaux, et si nous ne faisons rien, Trump aura gagné.
Pendant ce temps, les fabricants d'armes ont déjà gagné et réalisent des profits phénoménaux. Ils font même de la publicité pour investir dans l'industrie de l'armement, « le meilleur investissement de tous les temps », qu’ils disent.
Un système qui permet aux investisseurs de s'enrichir pendant que les pensionnés peinent à joindre les deux bouts, c’est de la décadence.Un système qui donne plus d'argent aux chars d'assaut qu'aux écoles, c’est de la décadence.
Plus d'argent pour les armes ? Pas en notre nom.
6. L'OTAN dépense déjà des sommes folles
Pour les bellicistes, ce n'est jamais assez. Ils agissent comme si les pays de l'OTAN étaient des imbéciles qui ne dépensent pratiquement rien pour leur Défense. Or, c’est tout le contraire. Les chiffres sont faramineux. Vraiment faramineux.
En 2024, les 32 pays membres de l'OTAN réunis ont dépensé 1 275 milliards de dollars en armements.
Si la norme de 5 % est introduite, ce montant passera à 2 758 milliards de dollars par an, soit plus du double !
À titre de comparaison, c’est plus que tous les autres pays du monde réunis, y compris la Chine, la Russie, l'Inde, Israël, l'Ukraine et l'Arabie saoudite.
Aujourd'hui, les pays de l'OTAN dépensent déjà 12 fois plus que la Russie, et 4,5 fois plus que la Chine. À 5 %, ce serait 20 fois plus.
Ce n'est pas pour une question de sécurité. Il s'agit d'une course aux armements absurde qui va détruire nos acquis sociaux, et qui va mener le monde encore plus près d'une guerre majeure.
7. L'OTAN n'est pas une organisation de défense, mais une machine de guerre
Officiellement, l'OTAN se dit en faveur de la paix. Mais écoutez ce que Mark Rutte a dit récemment : « L'OTAN est l'alliance militaire la plus puissante de l'histoire de l'humanité. Elle est même plus puissante que l’Empire romain. Et plus puissante que l’empire de Napoléon. » Cette comparaison dit tout. L'Empire romain n'avait rien d’une alliance défensive. C’était un empire qui vivait de conquêtes et d'asservissements. Comme Napoléon, qui s'est couronné lui-même empereur, et a placé l'Europe sous son influence.
Si l'OTAN est réellement plus puissante que l'Empire romain avec ses 1 275 milliards de dollars, pourquoi devrions-nous dépenser encore plus ? Mark Rutte répond lui-même entre les lignes : parce que l’OTAN n’est pas du tout une alliance défensive, c’est un instrument de domination mondiale, comme l’Empire romain.
L'OTAN est une machine de guerre. Nous ne lui devons rien. Pas un centime pour leurs guerres !
8. Croire en notre force collective
Ils veulent nous accabler avec la peur et la guerre, et toutes sortes de détails techniques sur la profondeur à laquelle les nouvelles bombes étasuniennes peuvent exploser sous terre.
Ils veulent nous rendre aveugles au contre-mouvement et à notre propre force collective.
Nous sommes les forces de la paix.Nous sommes le peuple qui a tracé la ligne rouge contre le génocide avec 150 000 personnes à La Haye et 110 000 à Bruxelles.Nous sommes les 6 millions de citoyens étasuniens qui ont participé aux manifestations contre Trump : « No thrones, no crowns, no kings. ». Pas de trônes, pas de couronnes, pas de rois.Nous sommes les dockers de Marseille qui refusent de charger des navires de guerre pour Israël.Nous sommes les Palestiniens du monde entier.
Chers camarades, leur ordre mondial nous mène dans les abysses.Les gens sentent qu’il n’est pas normal de s’armer jusqu’aux dents, alors que nos trains ne roulent pas, que nos pensions sont réduites, que nos hôpitaux manquent de personnel.
Le vrai courage politique n'est pas de manger dans la main de Trump.
Le vrai courage politique, c’est de développer notre propre vision : Une vision qui investit dans notre industrie, Une vision qui investit dans la technologie et la science, dans la transition écologique,Une vision qui investit dans la paix.
Leur ordre mondial appartient au passé.Le mouvement pour la paix est la force de l'avenir.
Croyez en vos propres forces.
Croyez en notre force collective.
Croyez au socialisme.