Au Soudan aussi, l’impérialisme mène au massacre
La guerre civile qui déchire le Soudan n’est pas seulement un conflit entre généraux rivaux mais la conséquence directe et tragique de pillages des richesses du sous-sol au profit de puissances étrangères. Seule la fin de l’ingérence et la mobilisation du peuple soudanais pour imposer un gouvernement civil sans participation des militaires peut mettre fin à l’horreur.
Selon l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), ce conflit a déjà déplacé 13 millions de personnes : 8,6 millions de déplacés internes et plus de 4 millions de réfugiés à l’étranger. Près de 150 000 personnes ont perdu la vie. Les Forces de soutien rapide (FSR) ont commis des atrocités effroyables, notamment à El-Fasher, désormais aux mains des paramilitaires après dix-huit mois de siège. La chute de cette ville stratégique, qui abritait 260 000 réfugiés, s’est accompagnée d’une famine généralisée et de nombreuses atrocités : exécutions sommaires, violences sexuelles, attaques contre les civils en fuite et exécutions d’hommes désarmés, comme l’a récemment confirmé la Commission des droits de l’homme de l’ONU.

Une longue histoire de pillage
Depuis des décennies, l’appétit impérialiste déstabilise gravement la société soudanaise. Le pays, hautement stratégique en raison de sa longue côte sur la mer Rouge, de sa grandeur qui lui donne sept frontières avec d’autres pays africains et de ses richesses minérales (mines d’uranium et d’or, ressources du Nil), a été une cible constante.
Si la période allant de 1993 à 2020 a vu le Soudan figurer sur la liste de Washington des États soutenant le terrorisme cette classification a servi de levier de pression sur l’état Soudanais dans un contexte de guerre civile et a finalement abouti à la sécession du Soudan du Sud en 2010.
La révolution trahie de 2019
En avril 2019, un soulèvement populaire massif a renversé le dictateur Omar el-Béchir. Cette révolte fut portée par les comités de quartier révolutionnaires et les forces civiles, soutenus par un réseau de médecins et d’avocats.
Cependant, le régime de Béchir était soutenu par une élite militaire qui bénéficiait elle-même du pillage des richesses nationales par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte, ces puissances utilisant des circuits illégaux pour exfiltrer l’or et d’autres ressources.
Après la chute de Béchir, l’Occident a soutenu un gouvernement de transition. Le Front des forces pour la liberté et le changement (FFC) a accepté de former un gouvernement en août 2019 avec la participation des militaires. Le mouvement populaire, malgré sa force, s’est retrouvé marginalisé : le pouvoir réel restait entre les mains de l’armée, qui contrôlait l’économie et les finances. Le Parti Communiste Soudanais, bien que membre fondateur du FFC, a refusé de participer au gouvernement tant que les militaires y siégeaient.
En 2020, le retrait du Soudan sur la liste des États soutenant le terrorisme fut conditionné par Donald Trump au versement par le général Burhan de 335 millions de dollars aux victimes du terrorisme, garantissant ainsi le soutien des États-Unis et d’Israël à la direction militaire.
La transition a été définitivement sabotée en octobre 2021, lorsque les militaires ont concentré tout le pouvoir par un coup d’État orchestré par Abdel Fattah al-Burhan, chef de l’armée, écartant le Premier ministre civil Abdallah Hamdok. Ce coup d’État a « déchiré la Charte constitutionnelle de transition, plongeant la nation dans une guerre prolongée et catastrophique ».
Guerre par procuration
En avril 2023, la guerre a éclaté entre deux armées : l’armée régulière dirigée par Burhan, président du conseil de transition et les Forces de soutien rapide (FSR) commandées par Mohamed Hamdan Daglo (Hemedti), vice-président du même conseil de transition. Ces deux armées sont issues de la dictature de Béchir : les FSR sont les anciens Janjawid – ces milices semant le chaos au Darfour – transformés en force paramilitaire en 2013 par Béchir et Burhan.
Aujourd’hui, la guerre n’est plus une simple affaire locale, mais une guerre par procuration entre différentes forces de l’étranger. Toutes les puissances étrangères convoitent les richesses soudanaises. Le Soudan est devenu le terrain d’affrontement de deux pétromonarchies, les Émirats arabes unis (EAU) soutenant les FSR, et l’Arabie saoudite, alliée à l’armée soudanaise. L’industrie aurifère du Soudan est le moteur de ce conflit, la quasi-totalité du commerce transitant par les EAU avant d’enrichir les belligérants.
Le « Quad » (États-Unis, Arabie saoudite, Égypte, Émirats arabes unis) a lancé des négociations pour un accord. Mais « tout accord négocié dans ces conditions ne fera que reproduire la crise, comme l’histoire l’a montré à maintes reprises au Soudan et ailleurs, » dénonce le PCS. Les tentatives actuelles de parvenir à un accord menacent de nouveau de diviser le pays entre l’armée et les FSR.
Ingérence croissante
Les États-Unis et Israël cherchent à contrôler le nord du pays via la direction de l’armée. Pour Israël, cette région est même envisagée comme une option pour la réinstallation forcée des Palestiniens. Le PCS met en garde contre cette logique, qui « s’inscrit dans le cadre du projet du “Grand Moyen-Orient”, dont la logique stratégique vise à démanteler les unités nationales de la région pour faciliter l’expropriation impériale, » se manifestant par « la liquidation systématique de la cause palestinienne, le génocide et le déplacement forcé du peuple palestinien, [et] la tentative d’effacer la révolution soudanaise ».
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé à la cessation du soutien militaire étranger, soulignant que « le problème ne réside pas seulement dans les combats [...] mais aussi dans l’ingérence extérieure croissante ».
Armes européennes
Amnesty International a révélé que les belligérants reçoivent des armes de fabrication française montées sur des véhicules blindés des EAU utilisés par les FSR, ce qui est une « infraction évidente à l’embargo sur les armes de l’ONU » à destination du Darfour.
La Secrétaire générale d’Amnesty International, Agnès Callamard, est catégorique : « Tous les pays doivent immédiatement mettre fin à la fourniture directe ou indirecte de toutes armes et munitions aux parties au conflit au Soudan, » et « doivent respecter et appliquer l’embargo sur les armes à destination du Darfour [...] afin que d’autres civils ne perdent pas la vie ». Des armes d’origine britannique ont également été acheminées par les EAU aux FSR, malgré les règles exigeant l’arrêt des exportations s’il existe un risque clair de détournement vers des zones sous embargo ou d’utilisation pour commettre des atrocités.
Mobilisation populaire
Face à ce démembrement orchestré, la résistance civile soudanaise appelle à la mobilisation populaire pour stopper la guerre.
Pour le PCS, « ce qu’il faut maintenant, c’est construire le front national populaire le plus large possible, intransigeant dans sa demande de cessation immédiate des hostilités, de relance de la dynamique révolutionnaire et de préservation de l’unité du Soudan ». Le renversement des deux régimes illégitimes est impératif, nécessitant le retrait complet de l’establishment militaire, des FSR et de toutes les milices.
Il faut en finir avec l’ingérence étrangère et avec tout soutien à un accord maintenant l’emprise des militaires sur le pays. Les deux armées doivent retourner dans leurs casernes et les crimes de guerre commis par les deux camps doivent être jugés. Le mouvement populaire exige à juste titre que l’unité et la souveraineté du pays soient préservées, et que le pouvoir revienne entièrement à un gouvernement civil.
L’enjeu dépasse largement les frontières du Soudan : comme le souligne le PCS, c’est « non seulement la paix, mais la souveraineté du Soudan et l’avenir du continent africain » qui sont menacés par cette logique de démantèlement par l’impérialisme.
| Collectif Solidarité Soudan Belgique Le Collectif Solidarité Soudan Belgique a organisé samedi 1 novembre une action à la Bourse à Bruxelles. Le collectif dénonce : « La guerre contre-révolutionnaire au Soudan dure depuis plus de deux ans et demi, pendant lesquels plus de 12 millions de personnes ont été déplacées, tandis que la communauté internationale reste silencieuse, complice ou se contente de vaines déclarations de soutien. » Le collectif dénonce les Émirats Arabes Unis (EAU) qui fournissent des armes aux Forces de soutien rapide (FSR) et financent la terreur contre le peuple soudanais. Les EAU pillent l’or du Soudan et veulent prendre en possession les terres arables. Le Collectif dénonce aussi la complicité de l’Union européenne et de la Belgique qui récompensent les EAU en négociant des accords de libre échange. Des entreprises belges comme celle de Jan De Nul, DEME et BTP BESIX participent à la construction d’infrastructures majeures pendant que leur partenaire finance la terreur au Darfour et livre les armes venant souvent de l’industrie d’armement européen. |
